Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, quatrième partie, 1654.djvu/67

Cette page n’a pas encore été corrigée

grande importance, que ce Prince qui eſtoit violent de ſon naturel, rompit avec elle aſſez bruſquement : & prit la reſolution de la quitter pour toujours. Or comme le ſecret en amour, n’eſt jamais bien exactement obſervé, que tant que la paſſion qui l’a fait naiſtre dure : le Prince Atys qui n’avoit rien plus aprehendé au monde pendant qu’il avoit aimé Anaxilée, ſinon que la Princeſſe Palmis sçeuſt ſa paſſion, n’eut pas plûtoſt rompu avec cette Fille, qu’il eut une envie extréme de raconter ſon avanture à la Princeſſe ſa Sœur : & d’autant plus qu’il ne sçavoit pas trop bien à qui en parler ; parce qu’il n’avoit jamais ouvert ſon cœur qu’à Cleandre, à qui il ne parloit pas encore avecque ſa franchiſe ordinaire. De ſorte qu’eſtant un jour ſeul avec la Princeſſe Palmis, & venant inſensiblement à reparler avec elle de ſon changement pour luy : ce Prince commença de luy raconter ſa foibleſſe pour Anaxilée, & la cauſe de ſa froideur pour Cleandre. Et s’étonnant luy meſme de ſe trouver ſi changé en peu de temps ; imaginez-vous, luy diſoit-il, que lors que Cleandre me refuſa de feindre d’aimer Anaxilée, & qu’il m’en donna de ſi mauvaiſes excuſes : j’en eus un ſi ſensible dépit ; & je comprenois ſi peu me devoir jamais trouver en termes d’avoir la liberté de vous parler d’une choſe, que je voulois vous cacher avec tant de ſoing en ce temps là : que je n’euſſe jamais creû vous devoir un jour entretenir de mes folies. Cependant j’avoüe que vous me faites aujourd’huy grand plaiſir de ſouffrir que je vous les raconte : car encore que je n’aye plus dans l’eſprit la meſme aigreur que j’avois alors pour Cleandre : & qu’au contraire je ſente bien que je l’aime encore cherement : neantmoins