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Apres que Cyrus eut achevé de lire, il fut quelque temps ſans parler : en ſuite dequoy il fit ſigne de la main qu’il vouloit que tout le monde ſe retiraſt, à la reſerve de Chriſante. Comme on luy eut obeï, il relent encore ce qu’il avoit deſja leu, & le fit auſſi lire à Chriſante : qui ne luy eut pas pluſtost rendu les Tablettes qui contenoient une ſi funeſte reſponse ; que le regardant : Et bien Chriſante, luy dit-il, comment expliquerez-vous à mon avantage, ce que vous venez de voir ? Seigneur, repliqua-t’il, je voy bien qu’il n’eſt pas aiſé de luy donner un ſens favorable : mais je ne voy pas auſſi par quelle voye le malheur dont on vous menace vous doit arriver. Car enfin cette Amante ennemie, ne peut pas eſtre Mandane : & il faut aſſurément que ce ſoit Thomiris : de ſorte qu’en l’eſtat où ſont les choſes, je ne voy pas, dis-je, que vous ſoyez en terme de mourir de ſa main. Elle arme pourtant puiſſamment, repliqua Cyrus, & on diroit que Ciaxare ne m’a envoyé Madate, que pour m’expliquer la reſponce de la Sibille qu’Ortalque m’a aportée. Je ne comprends pourtant pas, adjouſta Chriſante, que vous puiſſiez quitter la guerre de Lydie où eſt Mandane, pour aller en celle des Maſſagettes où eſt Thomiris : ny qu’apres avoir vaincu tant de vaillants Rois, vous puiſſiez eſtre ſurmonté par une Femme. Je ne le comprends pas auſſi, reprit-il, mais je comprends bien que ma perte eſt inévitable. Car enfin Chriſante, & les Dieux des Grecs, & ceux des Aſſiriens, ne me preſagent que, des avantures funeſtes : l’Oracle de Babilone, donne Mandane au Roy d’Aſſirie : celuy de Delphes promet l’Empire à Creſus ; s’il me fait la guerre : & la Sibille promet ma teſte à la Reine