Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, quatrième partie, 1654.djvu/637

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il n’y eut pas moyen ; & il falut qu’il advoüaſt la verité. Il luy dit donc de qui il avoit sçeu la choſe : & comment Marteſie, Feraulas, & luy, avoient reſolu de ne luy en parler point : afin de luy eſpargner la douleur qu’il en avoit preſentement. Durant que Chriſante s’excuſoit envers Cyrus, ce Prince ſans donner ſon eſprit tout entier à eſcouter ce qu’il luy diſoit, reliſoit cet Oracle : puis eſtant arrivé à la fin ; mais ſera t’il bien poſſible, juſtes Dieux, s’eſcria-t’il, qu’un Prince que depuis ſi longtemps vous avez accablé de tant de malheurs, ſoit aſſez favoriſé de vous, pour faire que Mandane ſoûpire pour luy : & qu’il trouve la fin de toutes ſes peines, entre les bras de ma Princeſſe ? pourquoy (ſi je puis vous le demander ſans crime) l’avez vous fait haïr de Mandane, & m’en avez vous fait aimer ? s’il eſtoit digne de voſtre protection, que ne l’empeſchiez vous d’eſtre renverſé du Throſne ? & ſi j’eſtois indigne d’eſtre favoriſé de vous, que n’a t’il eſté mon vainqueur, & que ne ſuis-je mort à la premiere Bataille que j’ay donnée ? Seigneur, interrompit Chriſante, comme ce n’eſt point aux hommes à regler les volontez des Dieux, ce n’eſt point auſſi à eux à ſe meſler d’expliquer preciſément leurs paroles. Je le sçay bien Chriſante, repliqua-t’il, mais cét Oracle eſt ſi. Clair, qu’il n’eſt pas neceſſaire d’attendre que les choſes ſoyent arrivées pour l’entendre. Pour moy, adjouſta Chriſante, je le trouve ſi clair, qu’il m’en paroiſt plus obſcur : n’ayant jamais oüy dire que les Dieux ayent parlé de cette ſorte des choſes à venir. Auſſi n’avez vous jamais oüy dire, repliqua-t’il, qu’il y ait eu un Prince ſi infortuné que Cyrus ; ne voyez vous pas que la