il faloit pluſtost recevoir la liberté de la mort, que de Mandane. Mais le moyen (adjoûtoit il en ſe reprenant) de pouvoir mourir, en revoyant une perſonne que l’on a tant deſiré de voir ; & la revoyant encore admirablement belle, & infiniment genereuſe ? Juſques icy, pourſuivoit-il, je ne devois à l’illuſtre Mandane que quelques bonnes intentions, & quelques favorables paroles : mais en cette rencontre, elle m’a donné la choſe du monde la plus precieuſe, qui eſt la liberté : elle m’a chargé d’une obligation que mille ſervices ne sçauroient payer, quand je hazarderois mille & mille fois ma vie pour les luy rendre : elle m’a empeſché de tomber ſous la puiſſance de mon Rival & de mon ennemy : & elle m’a mis en eſtat de pouvoir eſperer de rompre ſes chaines. Que veux-je davantage, & ne dois-je pas eſtre ſatisfait de cette journée ? il eſt vray que j’ay d’illuſtres Amis priſonniers, mais du moins pour ma conſolation, mon plus redoutable Rival l’eſt auſſi ; & je ſeray delivré de la veuë d’un Prince que je ſeray bien aiſe de ne voir plus, juſques au jour où apres avoir tiré Mandane de captivité je le verray l’eſpée à la main. Mais que dis-je ! reprenoit-il, la douleur me trouble ſans doute la raiſon, de me reſjouïr d’une choſe dont je me devrois affliger : eſtant certain qu’il me ſeroit bien plus avantageux, que le Roy d’Aſſirie fuſt libre dans mon Armée, que d’eſtre priſonnier avec Mandane ; & qu’il me ſeroit bien moins inſuportable de le voir touſjours, que de sçavoir qu’il la verra eternellement. Car enfin le Roy d’Aſſirie ſera reconnu dés qu’il ſera à Sardis : & dés qu’il le ſera, Creſus le traittera comme un Prince de ſa qualité doit l’eſtre, quoy qu’en puifle dire le Roy
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