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qu’il s’eſtoit ſeparé de ton Rival, il y avoit eu de la repugnance ; parce qu’il ne le pouvoit, ſans s’eſloigner de Mandane. Mais dés qu’il fut arrivé au Chaſteau d’Hermes, regardant ſon advanture plus exactement, il ſe trouva ſi malheureux, qu’il porta envie à ſon plus grand ennemy. Il y avoit pourtant des moments, où il ne tomboit pas d’accord avec luy meſme, de ſes propres penſées ; il n’avoit pas pluſtost imaginé une choſe, qu’il la deſtruisoit par une autre : mais à la fin il déterminoit pourtant touſjours, qu’il eſtoit le plus malheureux de tous les hommes : & plus malheureux meſme que ſon Rival, tout priſonnier qu’il eſtoit. Quoy, diſoit-il, il eſt donc bien vray, que tant de Batailles gagnées ; tant de villes priſes ; tant de provinces aſſujetties ; & tant de Rois vaincus ; ne m’auront donné qu’un peu de bruit dans le monde, & ne m’auront point fait delivrer Mandane, pour laquelle ſeule je fais la guerre ! le trouve la gloire que je ne cherche point, & je ne trouve point Mandane que je cherche : ou ſi je la trouve, c’eſt pour luy devoir ma liberté, & non pas pour luy redonner la ſienne. Cyrus, malheureux Cyrus, s’eſcrioit-il, comment n’es tu point mort de confuſion, de paroiſtre devant ta Princeſſe, en un ſi honteux eſtat, que celuy où elle t’a veu ? & n’as tu point lieu de craindre, qu’elle ne t’ait delivré, que pour oſter de devant ſes yeux un objet indigne de ſes regards, & ſi digne de ton meſpris ? comment t’a t’elle pû reconnoiſtre, & comment as tu pû ſouffrir qu’elle te delivraſt, toy qui aſpires à la gloire d’eſtre ton Liberateur ? Il faloit mourir, adjouſtoit ce Prince, dés qu’elle t’a eu reconnu : & par va excés d’amour & de confuſion tout enſemble,