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voir plus. Peut-on voir, adjouſtoit-il, une inhumanité pareille à celle là ? elle me voit priſonnier comme luy, & pour ſon ſervice : cependant au lieu de demander la liberté de tous les deux, elle delivre ſeulement mon Rival, & me laiſſe accablé de chaines. Quand elle n’auroit pas voulu me conſiderer pour l’amour de moy, elle le devoit faire pour l’amour d’elle meſme : puis qu’apres tout ma valeur n’euſt pas eſté inutile à Cyrus pour la delivrer. Mais l’inhumaine qu’elle eſt, a voulu par cette cruelle action, me forcer de croire que rien ne la sçauroit vaincre. Touteſfois, pourſuivoit-il, les Dieux m’ont promis que je l’entendray ſoûpirer, & que je ſeray en repos : que faut-il donc faire pour en venir là, & par quels moyens y pourray-je arriver ? Pendant que ce Prince s’entretenoit ainſi, Anaxaris ſuportoit ſon malheur aſſez conſtamment : diſant à Tegée, qu’apres avoir veu Mandane, il ne s’eſtonnoit plus que ſa beauté fuſt la cauſe d’une ſi grande & ſi longue guerre. Feraulas quoy que tres fâché de n’avoir pu eſtre veu de Marteſie, parce qu’elle n’eſtoit pas de ſon coſté, ſongeoit deſja par quelle voye il pourroit luy faire sçavoir des nouvelles de Cyrus & des ſiennes : Tegée qui avoit veu Cyleniſe, & qui en avoit auſſi eſté connu, penſoit plus à cét objet agreable, qu’au peril où il eſtoit ; mais pour Soſicle, il ne s’occupoit qu’à penſer au Prince Artamas, dont il ne sçavoit pas la pitoyable advanture. Cependant Mandane n’avoit pas plûtoſt eu perdu de veuë le malheureux Cyrus, que ſe tournant vers la Princeſſe Palmis, oſerois-je vous dire, luy dit-elle tout bas, que vous venez de redonner la liberté à l’illuſtre Prince qui fait