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luy aprit qu’il eſtoit libre : il ſentit une douleur ſi exceſſive, qu’il en perdit la parole. C’eſt donc la Princeſſe Mandane (luy dit-il fort bas, apres qu’il fut revenu de ſon eſtonnement) qui a obtenu voſtre liberté ? c’eſt du moins à ſa priere que la Princeſſe Palmis a obligé Andramite à me la donner, repliqua Cyrus ; ô Dieux (s’eſcria le Roy d’Aſſirie en levant les yeux au Ciel) eſt-ce par l’eſclavage que vous me devez tenir vos promeſſes & me rendre heureux ; Cyrus qui n’entendoit pas le ſens de ces paroles, parce qu’il ne sçavoit point l’Oracle que ce Prince avoit reçeu à Babilone, ſe tourna vers Anaxaris, pour luy dire qu’il eſtoit bien marry que la premiere occaſion où ils ? eſtoient trouvez enſemble, leur euſt eſté ſi malheureuſe : mais qu’il l’aſſuroit de ſonger à le remettre en liberté, par toutes les voyes qu’il en pourroit imaginer. En fuite il dit quelque civilité à Soſicle & à Tegée : puis tirant Feraulas un moment à part, il le conjura de taſcher du moins dans ſa captivité, de ſe faire voir à Mandane : afin que ſa veuë la puſt faire ſouvenir de luy. Feraulas luy ayant promis de n’y manquer pas, & ceux qui devoient conduire ces priſonniers leur diſant qu’il faloit partir ; Cyrus ſe raprochant encore du Roy d’Aſſirie, luy dit avec une generoſité extréme, qu’il ne ſongeroit pas moins à ſa liberté, que s’il eſtoit le plus cher de ſes Amis : & qu’enfin il luy tiendroit ſa parole exactement. Mais auſſi, luy dit-il, ne manquez pas à la voſtre : & comment voudriez vous, reprit-il, qu’un homme enchainé y puſt manquer ? Apres tout, luy dit Cyrus, vous demeurez aupres de Mandane, & je ne sçay s’il ne vous eſt point plus avantageux d’eſtre Captif de cette ſorte, qu’il ne me l’eſt d’eſtre