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les autres : qu’ainſi il valoit bien mieux faire un grand effort tout d’un coup, que d’avoir recours à la ruſe. Le Prince Artamas ſoûtint encore ſon opinion, & Cyrus l’appuya auſſi de plu ſieurs raiſons, mais ce Prince violent ne ſe voulant pas rendre, il y eut une conteſtation aſſez forte entr’eux. Ligdamis fut meſme apellé à ce Conſeil, & comme connoiſſant mieux le païs qu’aucun autre, & comme eſtant fort entendu à la guerre. Mais comme il s’agiſſoit d’une choſe où il alloit du bonheur ou de l’infortune des trois plus Grands Princes du monde : il avoit quelque peine à ſe reſoudre de donner un conſeil qui pourroit n’eſtre pas heureux. De ſorte que ne parlant pas preciſément, quoy qu’il panchaſt du coſté de Cyrus & d’Artamas, le Roy d’Aſſirie ne laiſſa pas d’en prendre de nouvelles forces, & de s’obſtiner plus que devant : ſi bien qu’il ſur reſolu que l’on envoyeroit Chriſante au delà de la Riviere, luy qui connoinſſoit admirablement tous les avantages ou les deſavantages des poſtes qu’il faloit occuper, afin qu’il donnaſt encore ſon advis, apres les avoir reconnus. Mais à peine cette reſolution fut-elle priſe, que le Roy d’Aſſirie n’en eſtant pas encore ſatisfait, dit que pour luy il ne ſe fieroit qu’à ſes propres yeux, d’une choſe d’où dépendoit la liberté de Mandane : & qu’ainſi il iroit avec que Chriſante & Ligdamis, qui devoit eſtre ſon guide : afin de voir s’il avoit tort ou s’il avoit raiſon. Le Roy d’Aſſirie n’eut pas pluſtost dit cela, que le Grand cœur de Cyrus ne pouvant ſouffrir que ſon Rival luy puſt reprocher qu’il ſe fuſt expoſe plus que luy, pour la liberté de Mandane ; fit qu’il ne conteſta plus, quoy qu’il n’ignoraſt pas que ce qu’il alloit faire eſtoit contre les regles de la prudence, & eſtoit meſme