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Mais, Seigneur, adjouſta cét agreable Eſtranger, j’ay pourtant en beaucoup de ſatisfaction de m’eſtre trompé : & l’aime encore mieux avoir eu l’honneur d’eſtre connu de vous, que d’avoir eu le plaiſir de trouver celuy pour qui je vous ay pris. Le Prince Spitridate, repliqua Cyrus, eſt d’un merite ſi rare, que je ne me faſcherois pas quand vous me le prefereriez : puiſque vous ne ſe riez en cela, que ce que la raiſon voudroit. Ce pendant pour vous tenir ma parole, genereux Anaxaris, je vous declare que je vous ſuis auſſi obligé, de la vie que vous avez conſervée a Spitridate, que ſi vous aviez deffendu la mienne : c’eſt pourquoy je vous dis, en preſence de tous ceux qui me peuvent entendre, que vous ſerez en droit de m’accuſer d’ingratitude, ſi je ne vous rends pas tous les offices que l’on a lieu d’attendre d’un Prince que l’on a obligé. Anaxaris reſpondit à un diſcours ſi civil, avec une ſoûmiſſion extréme, mais qui n’avoit pourtant rien de bas : au contraire, il parut par ſa reſponce, quoy que tres reſpectueuse, qu’il eſtoit accouſtumé à faire pluſtost des graces qu’à en recevoir. De ſorte que Cyrus en conçevant une grande opinion, forma le deſſein d’avoir un ſoin particulier de luy : & en effet il donna ordre qu’on le mit à une de ſes Tentes, & qu’il fuſt traité comme un homme de haute condition tel qu’il paroiſſoit eſtre. Mais ſi Cyrus eſtoit bien ſatisfait d’Anaxaris, Phaarte ne l’eſtoit pas tant : car comme il eſtoit perſuadé que ſi Spitridate euſt eſté mort, il auroit peut-eſtre trouvé Araminte plus favorable : tout brave qu’il eſtoit, il eut l’injuſtice d’avoir quelque ſecrette averſion pour Anaxaris, dés qu’il sçeut qu’il avoit ſauvé la vie de ſon rival.