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Timocreon, qui avoit eſté ravy de le Voir. Il né fut pas pluſtost auprés de luy, que le tirant à part, il le conjura de luy vouloir dire une choſe qu’il vouloit sçavoir de ſa bouche, quoy qu’il la sçeuſt par une autre voye. Seigneur, luy dit-il, ſi elfe eſt de ma connoiſſance, vous la sçaurez infailliblement : je vous conjure donc, adjouſta l’invincible Prince de Perſe, de m’aprendre ſi vous n’eſtes pas plus captif de la belle Cleonice, que vous ne l’eſtes de Cyrus ? Seigneur (repliqua Ligdamis un peu ſurpris de cette demande) comme cette captivité m’eſt glorieuſe, je ne feray point de difficulté de vous advoüer, que les chaines de Cleonice me chargent plus que les voſtres : mais, Seigneur, par quelle raiſon, s’il m’eſt permis de vous le demander, avez vous voulu sçavoir cette verité de moy ? c’eſt afin, repliqua Cyrus que je sçache en fuite ſi le mal que vous a cauſé cette paſſion, ne vous aprendra point à avoir pitié de celuy des autres. Seigneur (reſpondit Ligdamis, touſjours plus embarraſſé à deviner l’intention de Cyrus) ceux qui font en l’eſtat où je me trouve, ne pouvant avoir qu’une compaſſion inutile des maux d’autruy, ſont ſans doute bien malheureux de ne pouvoir ſervir leurs ſemblables : mais du moins s’ils ne peuvent rendre de ſervice, ne doivent ils pas refuſer leur pitié. Vous n’en eſtes pas en ces termes là, dit Cyrus, car vous pouvez rendre au Prince Artamas le plus ſignalé ſervice que perſonne luy ait jamais rendu : ha, Seigneur, ſi cela eſt, repliqua Ligdamis, faites-moy l’honneur de me dire promptement ce que je puis faire. Vous ſcavez, luy dit-il, ſon amour pour la Princeſſe de Lydie : vous n’ignorez pas ſa priſon : & vous sçavez ſans doute auſſi, qu’