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amoureux de la Princeſſe Palmis : mais qui dans ſa paſſion, avoit auſſi quelques ſentimens ambitieux. Ainſi on euſt dit que l’Amour avoit pris naiſſance à la guerre : car au retour de celle que nous avions faite, la Cour changea de face entierement : & ce ne furent plus que des Feſtes, & des Parties de galanterie, qui durant quelque temps rendirent le ſejour de Sardis fort agreable. Mais vers la fin de l’Hyver, on reparla de guerre contre les Miſiens : & en effet le Printemps ne fut pas pluſtost venu, que Creſus ſe remit en campagne : & l’Eſté tout entier fut employé à faire deux Sieges, & à donner deux Batailles : où Cleandre ſe ſignala encore de telle ſorte, qu’eſtant party de Sardis ſimple Volontaire, il y revint Lieutenant General, ſous le Prince Atys, qui commanda l’Armée vers la fin de la Campagne en l’abſence de Creſus, que quelque incommodité avoit obligé d’en partir. J’ay sçeu depuis par une Perſonne qui eſt à la Princeſſe, & qui eſt ma Parente, qu’elle eut une joye extreſme de la bonne fortune de Cleandre : diſant à tout le monde qu’elle avoit touſjours bien preveu que ce ne ſeroit pas un homme ordinaire. Apres avoir donc vaincu les Miſiens, les Chalibes, & les Mariandins, qui s’eſtoient joints à eux, nous revinſmes encore à Sardis : où Cleandre commença d’eſtre conſideré d’une autre ſorte. Car bien qu’il fuſt le meſme qu’il eſtoit auparavant ; neantmoins ſuivant la foibleſſe ordinaire preſque de tous les hommes, qui font une grande difference entre la Vertu malheureuſe, & la Vertu en proſperité : non ſeulement tout le Peuple, mais meſme tous les plus honneſtes gens, veſcurent avecques luy d’une autre maniere ; & il veſcut luy meſme d’une autre ſorte. Car comme il devenoit tous les jours plus