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D’abord elle me dit que c’eſtoit un effet de la campagne & de la ſolitude : mais je la connoiſſois trop pour m’y tromper : de ſorte que la prenant davantage, mais enfin, luy dis-je que pouvez vous avoir qui vous tourmente ? Tous les faux bruits qui vous ont affligée ſont ceſſez : Ligdamis eſt auſſi honneſte homme qu’il eſtoit autrefois : & il vous aime autant qu’il a jamais fait. Ha Iſmenie, s’eſcria-t’elle, ce que vous dites là n’eſt pas vray ! & quelles prennes en avez vous ? luy dis-je, cent, repliqua-t’elle, ſi bien que je vous puis aſſurer que vous vous trompiez, quand vous diſiez un jour que l’amour ne pouvoit devenir amitié : eſtant certain que les ſentimens que Ligdamis a pour moy preſentement, ne ſont tout au plus que ce que je dis. Sans mentir, luy dis je : Cleonice, vous eſtes une admirable perſonne, de parler comme vous faites : mais ſeroit-il bien poſſible, adjouſtay-je, qu’apres avoir tant aprehendé autrefois que l’amitié de Ligdamis ne devinſt amour, vous craigniſſiez aujourd’huy que ſon amour ne devinſt amitié ? je ne le crains pas, dit-elle, mais je le croy : & ſur quoy fondez vous cette opinion ? luy dis-je ; ſur mille petites obſervations que j’ay faites, & que je ne vous puis dire, repliqua-t’elle ; & ſur une certaine melancolie froide, que Ligdamis a depuis quelque temps. Cependant adjouſta-t’elle en ſe deſguisant, je n’en murmure point, & je ne luy en ay rien dit : mais il ne faut pourtant pas qu’il s’imagine, pourſuivit-elle en rougiſſant, qu’encore que ſon Pere, à ce qu’on m’a dit, puſt eſtre capable de changer d’advis, & de luy permettre de m’eſpouser, que j’y contente jamais. Ce n’eſt pas (dit-elle encore, ſans oſer touteſfois me