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Lettres à eſcrire à mon retour je n’eſtois pas encore couchée, ce qui ne fut pas un petit bonheur : car ſi je l’euſſe eſté, peut-eſtre que Ligdamis n’euſt pas eſté ſauvé, parce qu’on ne luy euſt pas ouvert. Dés que je le vy, je luy fis cent queſtions à la fois : eſtant certain que j’euſſe voulu qu’il m’euſt pû faire entendre par une ſeule parole, comment on l’avoit pris, & comment on l’avoit delivré. Il falut pourtant avoir la patience d’aprendre ces deux dernieres choſes par ordre : j’euſſe bien voulu eſpargner à Cleonice la mauvaiſe nuit qu’elle alloit avoir : mais craignant de donner connoiſſance de ce qui eſtoit ſi neceſſaire qui fuſt caché, je creus qu’il valoit mieux attendre au lendemain au matin, à luy donner cette agreable nouvelle. Cependant comme il ne faut jamais ſe fier trop à des liberateurs qui ont fait une meſchante action, je fis donner une Chambre à ces deux ſoldats : ordonnant à mes gens de ne ſe coucher point, & de prendre garde à eux. Nous leur fiſmes pourtant dire auparavant, tout ce qu’ils sçavoient d’Hermodore : pour moy je me garday bien de dire à Ligdamis que ſon Parent devoit paſſer la nuit à ſuivre Hermodore, & que je croyois que c’eſtoit luy qui l’avoit attaqué : car j’eus peur, connoiſſant l’on grand cou rage, qu’il n’euſt voulu aller voir en quel eſtat eſtoit la choſe, & ſe faire peut-eſtre reprendre. Je le fis meſme d’autant pluſtost, que je jugeois bien qu’il ſortiroit inutilement, puis que ce combat devoit eſtre finy : mais lors que je luy racontay la propoſition qu’Hermodore avoit faite à Cleonice ; le deſespoir de cette aimable fille ; & les reſponses qu’elle luy avoit faites ; il teſmoigna tant de haine pour ſon Rival, & tant d’amour