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ous fuſmes encore plus malheureuſes que nous n’avions eſté, parce que nous fuſmes abſolument ſans eſperance : eſtant certain que nous ne creuſmes pas qu’Hermodore deuſt venir pour la Lettre de Cleonice : ainſi ne pouvant qu’imaginer ny que croire, nous eſtions en une inquietude horrible. Le Parent de Ligdamis s’informoit au tant qu’il pouvoit, en quel lieu eſtoit Hermodore, mais il n’en pouvoit rien aprendre avec certitude : on reſolut pourtant qu’on mettroit des eſpions la nuit prochaine à l’entour de ſa maiſon, pour voir s’il n’en ſortiroit point, & s’il ne ſeroit pas poſſible de l’arreſter. Cependant la Lettre de Cleonice embarraſſant fort cét Amant opiniaſtre, qui pour venir à bout de ſes deſſeins ne ſe ſoucioit pas de commettre toutes ſortes de violences, il n’oſoit croire que ce qu’elle luy vouloit dire luy fuſt favorable ; il ne pouvoit penſer auſſi qu’elle puſt conſentir à la perte de Ligdamis : neantmoins n’oſant retourner chez elle en l’abſence de Stenobée, parce qu’il avoit peut-eſtre sçeu, comme j’ay deſja dit, que le Parent de Ligdamis eſtoit venu chez moy, il reſolut d’attendre ſon retour, pour aller aprendre de la bouche de Cleonice, ce qu’elle avoit reſolu : ſe de terminant touteſfois apres cela, ſi elle ne reſpondoit pas comme il vouloit, à remettre Ligdamis entre les mains de Creſus. Mais en attendant il demeuroit chez luy, faiſant dire qu’il n’y eſtoit pas, à ceux qui le demandoient : touteſfois comme les Dieux ſont trop juſtes pour laiſſer perir les innocens, & pour proteger les coupables, il arriva qu’Hermodore ne ſe tenant pas aſſez aſſuré de ceux qu’il avoit mis à la garde de Ligdamis, voulut aller luy meſme paſſer la nuit dans la maiſon