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venoit de dire, & des marques de joye qu’elle avoit données ; en verité Ligdamis, (dit-elle apres que nous fuſmes aſſis) ceux qui diſent que les premiers ſentimens des Femmes ſont les meilleurs, ne diſent pas touſjours vray : puis que je n’ay pu m’empeſcher d’avoir un plaiſir extréme de vous revoir : & cependant je connois par une ſeconde penſée, que la premiere eſtoit injuſte, & que je vous dois preſques quereller. Car enfin, à parler raiſonnablement, pourquoy expoſer voſtre liberté & voſtre vie ? & pourquoy m’expoſer moy meſme, à pouvoir eſtre ſoupçonnée d’avoir sçeu un voyage qui pourroit eſtre expliqué d’une maniere peu advantageuſe pour moy ? je l’ay fait Madame, repliqua-t’il, parce que je ne pouvois faire autrement : ainſi j’ay pluſtost agy pour conſerver ma vie que pour l’expoſer comme vous dites : & pour voſtre gloire, Madame, adjouſta-t’il, je ne penſe pas qu’on la puiſſe diminuer. Car outre que voſtre vertu eſt au deſſus de la calomnie, je ſuis ſi malheureux, que l’on n’a garde, ce me ſemble, de s’imaginer que j’aye aſſez de part en voſtre cœur, pour avoir obtenu de vous la liberté de vous venir voir deſguisé. laiſſez moy donc. Madame, jouir en repos du plaiſir que j’ay à vous entretenir : & ayez s’il vous plaiſt, la bon té de me dire ſi ma diſgrace & mon exil n’ont point aporté de changement en voſtre ame ? & ſi Ligdamis haï de Creſus, eſt auſſi bien avecque vous, que lors qu’il eſtoit conſideré de tout le monde, parce qu’il avoit l’honneur d’eſtre aimé de l’illuſtre Cleandre ? Vous me faites tort, luy repliqua-t’elle, de me ſoupçonner d’une laſcheté comme celle là : & ſi ce n’eſtoit que je veux vous prouver fortement que je n’en ſuis pas capable, j’aurois