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n’ayant point de remede, je le fis entre ? dans mon Cabinet, & je me mis ſur mon lict pour attendre Stenobée, qui vint bien toſt apres avec l’eſperance de trouver quelque divertiſſe ment conſiderable. Ce qu’il y eut encore de rare à cette avanture, fut que depuis le meſſage qu’elle avoit reçeu de moy, elle avoit dit à tous ceux qui eſtoient chez elle, qu’il y avoit aſſemblée à mon logis : ſi bien qu’en moins de trois quarts d’heure, je vy la moitié de la Ville dans ma Chambre, ce qui m’eſtonna extrémement : & d’autant plus, que je voyois par le procédé de tous ceux qui eſtoient là, qu’ils avoient attendu quelque choſe qu’ils n’y trouvoient pas. Cependant quoy que je sçeuſſe bien qu’il n’y avoit perſonne dans cette compagnie qui oſast entrer dans mon Cabinet, je ne laiſſois pas d’eſtre en une inquietude eſtrange, de ne sçavoir comment je pourrois la faire ſortir de ma Chambre : car pour Stenobée, comme elle ne cherchoit que le monde, & qu’il y en avoit beaucoup, elle ne ſe pleignoit point de ce qu’elle s’eſtoit trompée ; & ne pouvoit meſme ſouffrir que les autres s’en pleigniſſent. Mais à la fin perdant patience, je me pleignis tant, & je dis ſi clairement que je n’avois eu deſſein de voir ce ſoir là que Cleonice toute ſeule, que cette aimable Fille croyant en effet que le bruit me faiſoit mal, ſuplia ſa Mere de s’en aller, afin de monſtrer exemple aux autres : de ſorte que Stenobée ſe levant la premiere, emmena tout le reſte, & ne me laiſſa que Cleonice. Dés que toute cette multitude de gens fut partie, qui m’avoit tant importunée, & qui avoit tant affligé Ligdamis ; je me relevay de deſſus mon lict, en riant de l’avanture qui me venoit d’arriver : ſi bien que Cleonico me regardant