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s’ils pouvoient il n’avoit pourtant point de jalouſie : & il eſtoit auſſi heureux qu’un Amant qui ne poſſede point ſa Maiſtresse peut l’eſtre, lors que la Fortune trouble ſes plaiſirs. Vous sçavez ſans doute, Madame, que la Princeſſe de Lydie fut amenée à Epheſe, auſſi toſt apres la priſon de Cleandre : ſi bien que lors que Ligdamis y fut revenu, il chercha les moyens de luy rendre office autant qu’il put : & ce fut en effet par luy qu’Eſope qui eſtoit à Sardis, fit tenir pluſieurs Lettres de cét illuſtre Priſonnier à cette Princeſſe : & que cette Princeſſe auſſi y fit reſponce. Quoy que la choſe fuſt alors tres ſecrette, & qu’il n’y ait jamais eu qu’Eſope qui l’ait bien sçeuë ; neantmoins comme on sçavoit que Cleandre avoit fort aimé Ligdamis, Hermodore ayant sçeu confuſément long temps apres, qu’il avoit reçeu quelques Lettres de cét te Princeſſe, ſans sçavoir pourtant à qui elles s’adreſſoient, fit ſecrettement advertir Creſus que Ligdamis tramoit quelque choſe avec la Princeſſe ſa Fille : ſi bien que Creſus n’oſant le faire arreſter, parce qu’il sçavoit que ſon Pere eſtoit à ſon Gouvernement, il voulut taſcher de le luy oſter auparavant que de le faire prendre. Pour cét effet, il manda ce gouverneur ſur quelque pretexte, avec intention de le retenir, & de faire arreſter ſon Fils à Epheſe, le meſme jour qu’il arriveroit à Sardis : mais comme il avoit beau coup d’amis à la Cour, il fut adverty du deſſein de Creſus, qui s’en eſtoit ouvert à quelqu’un qui ne luy garda pas fidelité : ſi bien que feignant d’eſtre malade, il fit faire ſes excuſes au Roy, & envoya en meſme temps querir Ligdamis, luy faiſant dire la choſe, & luy mandant meſme plus preciſément qu’il ne le sçavoit,