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qu’il a faites, qu’à vous dépeindre l’agrément de ſon enfance. Je vous diray toutes fois en general, que jamais perſonne n’a mieux reüſſi que luy, en tous les exercices du corps, ny plus parfaitement apris tout ce qu’on luy a enſeigné pour luy former l’eſprit & le jugement. Le Prince Atys, au ſervice duquel il fut particulierement attaché, & qui eſtoit aſſurément un des plus beaux Princes du Monde, l’aima avec une tendreſſe qui n’eut jamais de ſemblable : & le Prince Myrſile, tout müet qu’il eſt, luy a touſjours tant donné de marques d’affection, qu’il n’en pouvoit pas ſouhaiter davantage. Car, Madame, ce Prince müet ne l’eſt pas comme les autres müets le ſont : parce que l’impoſſibilité qu’il a de parler, ne luy vient pas de ce qu’il eſt ſourd, mais de quelque empeſchement qu’il a à la langue. Ainſi entendant tout ce que l’on dit, il comprend auſſi bien les choſes que s’il parloit : de ſorte que tout müet qu’il eſt, il y a peu de gens au monde, qui ayent plus d’eſprit qu’il en a : & cela eſtant de cette façon, il n’euſt pas eſté poſſible qu’il n’euſt point aimé Cleandre. Mais quoy qu’Atys & Myrſile fuſſent admirablement bien faits, ſi faut-il pourtant advoüer, que Cleandre avoit encore quelque choſe de plus Grand qu’eux dans l’air du viſage : & que quoy qu’il paruſt bien au deſſous d’eux par ſa condition, il eſtoit beaucoup au deſſus par ſa mine. Il eut donc fort peu de temps, l’amour du Peuple ; l’admiration des honneſtes gens ; l’inclination de toutes les Dames ; & la faveur des Princes, de la jeune Princeſſe, & du Roy. Mais ce qu’il y eut de plus admirable fut que l’on remarqua toujours en Cleandre, que quoy que la fortune fiſt pour luy, il paroiſſoit encore eſtre infiniment au deſſus de ſes