Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, quatrième partie, 1654.djvu/534

Cette page n’a pas encore été corrigée

Cleonice ! adjouſtant à cela, avec une malice extréme, qu’elle n’eſtoit pas ſi fiere qu’elle avoit eſté : diſant avec une raillerie peu obligeante, que l’Amour avoit bleſſé deux cœurs d’un (eut coup de trait. Ce bruit fut ſi grand en peu de temps, que non ſeulement il vint juſques à moy, mais qu’il fut encore juſques à Cleonice : qui reçeut cette nouvelle avec une douleur que je ne vous sçaurois exprimer. Car parmy le deſplaisir qu’elle avoit, j’y voyois des ſentimens de colere qu’elle ne m’expliquoit point : & ſans sçavoir ſi c’eſtoit contre Ligdamis, contre Artelinde, ou contre elle meſme, elle me diſoit des choſes qui m’embarraſſoient touſjours plus. Ce fut pourrant alors que je connus avec certitude, que Ligdamis eſtoit mieux dans ſon cœur qu’il n’y croyoit eſtre : puis que quoy qu’elle diſt ou contre luy, ou contre Artelinde, ou contre ſes propres ſentimens ; elle ne diſoit pas bien fortement, qu’elle ne vouloit plus que Ligdamis la viſt. Au contraire, ſe reprenant elle meſme, dés qu’elle l’avoit dit ; elle adjouſtoit que ce ſeroit faire croire au monde qu’Artelinde auroit dit vray, ſi elle changeoit ſa forme de vivre. En ſuite, elle diſoit que pourveu qu’il n’y euſt qu’elle qui le creuſt, elle voudroit pour luy faire deſpit, qu’elle ne puſt jamais douter que Ligdamis ne fuſt amoureux d’elle : mais à la fin quand elle eut bien dit des choſes contraires les unes aux autres, la douleur qu’elle avoit de sçavoir que toute ſa ſeverité paſſée ne pourroit empeſcher que l’on ne diſt que Ligdamis l’aimoit eſtant la plus ſorte, ne ſuis je pas bien malheureuſe, dit elle, qu’il faille qu’apres avoir paſſé toute ma vie en repos & avec que gloire, je fois aujourd’huy expoſée à ſouffrir la raillerie d’Artelinde ? mais, luy