Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, quatrième partie, 1654.djvu/53

Cette page n’a pas encore été corrigée

ne luy ſemblant pas juſte qu’Apollon que ſon adoroit à Delos, n’euſt pas tant d’or que luy qui n’eſtoit qu’un homme : ſi ce n’eſtoit, adjouſta t’il, qu’il euſt encore plus de vertus, & plus de pouvoir qu’Appollon. Cette réponſe ſur prenant Creſus, il le fit aprocher de luy, & le mena dans une Galerie d’où il devoit voir la Courſe de Chevaux que l’on devoit faire devant luy, dans une grande place qui eſt au deſſous de cette Galerie dans laquelle eſtoit toute la Cour avec les jeunes Princes & la petite Princeſſe Palmis, que Cleandre regarda fort attentivement. Cependant Creſus qui ſe divertiſſoit aux choſes que diſoit Cleandre, luy fit encore cent queſtions : & entre les autres, luy demandant s’il ne prenoit pas plaiſir à voir ces courſes de Chevaux ? il luy répondit qu’il en prendroit bien davantage à les faire luy meſme qu’à les regarder. Mais, luy dit Creſus, que feriez-vous du Prix que l’on donne, ſi vous l’aviez remporté ? & que feriez-vous au contraire, ſi vous ne le remportiez pas ? Si je ne le remportois pas, dit-il tans heſiter, j’en mourrois de dépit : & ſi je le remportois, je viendrois l’offrir à la Princeſſe voſtre Fille que je voy aupres de vous. Enfin Madame, que vous diray-je ? Cleandre ſatisfit ſi fort le Roy, qu’il voulut que luy & moy fuſſions mis aupres des Princes ſes Enfans : & connoiſſant meſme la capacité de mon Pere, il voulut auſſi qu’il s’attachait à leur ſervice. Ainſi il falut qu’il donnaſt ordre de faire tranſporter de Delos à Sardis tout ce qui eſtoit de nature à l’eſtre : & qu’il ſe reſolust à demeurer en Lydie. De m’amuſer à vous dire, Madame, toutes les premieres années de la vie de Cleandre, ce ſeroit abuſer de voſtre patience, & perdre un temps que je pourray mieux employer à vous raconter les actions heroïques