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Cleandre, & qu’il m’y menaſt auſſi. Mais, Madame, auparavant que de m’engager davantage dans mon recit, il faut que je vous die en quel eſtat eſtoit la Cour de Lydie en ce temps là : & que vous sçachiez que Creſus avoit deux freres, dont l’un ſe nommoit Antaleon, & l’autre Mexaris, qui eſtoit encore fort jeune. De plus ce Prince avoit deux fils & une fille : l’ainé de ſes Enfans qui ſe nommoit Atys, pouvoit avoit alors onze ou douze ans : & le ſecond qui eſt müet, & qui ſe nomme Myrſile, en avoit bien neuf ou dix. La Princeſſe Palmis ſa fille, n’en avoit que cinq ou ſix : mais touteſfois dés ce temps là, elle eſtoit deſja un miracle de beauté. Comme la Cour ne faiſoit que de quitter le deüil de la Reine de Lydie, quand nous arrivaſmes à Sardis, il y avoit deſja longtemps que l’on n’y avoit eu de divertiſſemens publics : juſques à une courſe de Chevaux que l’on faiſoit, le jour meſme que Menecée preſenta mon Pere au Roy, & m’y mena auſſi avec Cleandre. Puis que vous n’ignorez pas ſans doute la prodigieuſe richeſſe de Creſus ny ſa magnificence, je ne vous repreſenteray point la ſomptuosité de ſon Palais : mais je vous diray ſeulement, que Cleandre et. moy qui eſtions alors en un âge où tout ce qui brille aux yeux plaiſt à l’eſprit ; fuſmes charmez de la veuë de tant d’or & de tant de richeſſe que nous viſmes dans toutes les Chambres où nous paſſasmes. D’abord Creſus fut ravy de la beauté de Cleandre ; de ſa grace : & de ſa hardieſſe : mais plus encore de cent réponſes agreables qu’il luy fit, lors qu’il ſe mit à luy parler. Car comme il luy demanda ce qu’il luy ſembloit de ſon Palais ? ce hardy Enfant luy répondit ; qu’il le trouveroit aſſez beau pour un Temple, & qu’il le trouvoit trop beau pour un Palais :