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vous importe donc, adjouſta t’il, ce qui ſe paſſe dans mon cœur ? & depuis plus d’un mois que le me ſuis aperçeu que je vous aimois d’amour, cét te paſſion vous a t’elle fait beaucoup ſouffrir ? nullement, reprit Cleonice : mais c’eſt que je ne sçavois pas qu’elle fuſt dans voſtre ame. Vous voyez donc bien, repliqua t’il, que ce que vous dites n’a point de fondement ſolide : & que cette paſſion n’eſt pas incommode pour vous en elle meſme, mais ſeulement par l’imagination que vous en avez. Car enfin, Madame, lors quelle ne vous incommodoit point ces tours paſſez, elle eſtoit dans mon ame comme elle y eſt : pour quoy donc n’agirez vous pas comme vous faiſiez ? je vous proteſte que je prendray plus de part à tous vos maux que je ne faiſois : & que s’il ſe peut je ſeray encore plus ſecret & plus fidelle que je ne l’ay jamais eſté. Quand tout ce que vous dites ſeroit vray, reprit Cleonice, il y a encore une autre choſe a vous dire, ou vous ne pouvez reſpondre : qui eſt, que puiſque voſtre cœur eſt capable de cette paſſion, il la peut avoir pour une autre perſonne : & des que cela ſeroit, ma confiance ſeroit peu en ſeureté. Au contraire Madame, adjouſta t’il, quand je n’aimois rien, vous deviez bien plus craindre ce que vous dites : parce que ſi j’avois à devenir amoureux, il n’eſtoit pas impoſſible que je le fuſſe d’une autre que de vous : mais aujourd’huy que je vous ai me, il y a une impoſſibilité ſi abſoluë, que je puiſſe jamais aimer nulle autre perſonne, qu’il ne faut pas ſeulement mettre en doute, que vous ne ſoyez ma premiere & ma derniere paſſion. On peut quelques fois, adjouſta t’il, paſſer de l’in difference, à l’amour d’une perſonne médiocrement