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vous auriez dans l’eſprit que je vous devrois aimer un jour, & faire pour vous ce que j’ay tant blaſmé, & ce que je blaſme tant encore aux autres. Quoy, Ligdamis, adjouſta-t’elle, je pourrois m’imaginer que vous eſpereriez que je ferois pour vous routes les folies que nous avons tant condamnées enſemble ! que j’aurois quelque plaiſir à vous sçavoir malheureux pour l’amour de moy ; à vous entendre ſoupirer, & à vous voir faire enfin toutes les grimaces que l’amour inſpire à tous ceux qu’il poſſede ! ha, non non, Ligdamis, je ne le sçaurois ſouffrir & ſi je ne puis regler voſtre affection, faites du moins en ſorte que je borne voſtre eſperance. Pour cét effet, adjouſta-t’elle, je vous aſſure dés aujourd’huy, que mille ans de langueurs, de ſoûpirs, de larmes, de tranſports, & de ſervices, n’obtiendront jamais rien de moy. Du moins Madame, reprit il, ſi vous ne pouvez eſtre ſensible, ne ſoyez pas injuſte : & conſiderez le vous ſuplie, que c’eſt vous qui avez troublé le repos dont je joüiſſois : & qu’ainſi vous eſtes obligée d’avoir quelque compaſſion de moy. Soyez donc ſeulement, luy dit il, comme je l’ay deſja dit à Iſmenie, la Confidente de la paſſion que j’ay pour vous, aimez moy comme vous avez accouſtumé, & ſouffrez ſeulement que je vous aime comme je fais. Car puis que vous eſtes ſi aſſeurée de ne m’ai mer jamais autrement, ne ſeriez vous pas injuſte de me rendre tout à fait malheureux ſans ſujet ? je le ſeray bien aſſez de ne pouvoir toucher voſtre cœur, ſans que vous veuilliez encore tourmenter le mien ſi cruellement : je sçay bien, Madame, que par nos conditions, vous ne voulez point d’Amis qui ſoient amoureux : mais ce luy qui fait les loix les peut changer. Je me ſouviens meſme que vous diſiez un jour, que la