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Ne pouvant donc renfermer toute ſa douleur dans ſon ame, elle m’envoya prier que je la viſſe, & je fus en effet la trouver vers le ſoir : dés qu’elle me vit, ma chere Iſmenie, me dit-elle, ne ſuis-je pas bien malheureuſe, & ne faut-il pas advoüer que j’ay bien de la bonté de ne vous haïr pas, de m’avoir donné la connoiſſance de Ligdamis ? Quoy, luy dis-je, depuis que je vous ay laiſſez enſemble vous avez eu querelle ! ouy, me reſpondit Cleonice, & ſi grande que vous ne pourrez jamais nous accorder. Alors elle me raconta tout ce qu’ils s’eſtoient dit : mais avec des ſentimens ſi differents & ſi contraires, qu’il eſtoit aiſé de voir qu’elle ſouffroit beaucoup. Car je voyois clairement qu’elle avoit une amitié tres ſorte pour Ligdamis : & je voyois pourtant que elle faiſoit tout ce qu’elle pouvoit, pour prendre la reſolution de ne le voir jamais. Il me ſemble, luy dis-je l’entendant parler ainſi, que vous allez un peu bien viſte : ne ſongez vous point, adjouſtay je, que ſi vous rompez bruſquement avecque luy, tout le monde en cherchera la cauſe ? Mais ne ſongez vous point vous meſme, in terrompit-elle, que ſi je n’y rompois pas, Ligda mis pourroit penſer que ſa pretenduë paſſion ne me deſplairoit point ? Ce dernier mal, luy dis-je, n’a pas de ſi facheuſes conſequences que l’autre : je les trouve bien plus dangereuſes, dit-elle ; mais, luy dis-je encore en riant, ſi Ligdamis s’eſt deffendu, & qu’il vous aime malgré luy, que voulez vous qu’il y face ? je veux qu’il ne me voye plus, me repliqua-t’elle, & je le veux ſi determinement, que quand je ſentirois que mon cœur ne ſeroit pas d’accord avec ma volonté, je ne laiſſerois pas de le vouloir encore. Enfin Madame, je ne