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les Dieux, dit-elle, de croire que Ligdamis ſoit amoureux de moy : non Iſmenie, je ne le croy point du tout : & je me repens du ſimple ſoupçon que j’en ay eu. C’eſt ſans doute, adjouſta-t’elle, qu’il s’eſt trouvé d’humeur à ſe vouloir divertir : & qu’il ſe veut vanger de l’inquietude que je luy donnay, quand je l’accuſay d’eſtre amoureux d’Artelinde. Touſjous faut-il advoüer, luy dis je, que quand il ſeroit amoureux effectivement, il ne pourroit pas agir avec plus de reſpect ny plus galamment : s’il l’eſtoit, repliqua t’elle, il n’agiroit ſans doute pas ainſi : car je croy que les Amants perdent la raiſon, dés qu’ils commencent de l’eſtre. J’ay pourtant oüy dire, repris-je, qu’il y a des gens à qui l’amour donne de l’eſprit : je penſe en effet, dit elle, que comme il renverſe toutes choſes, il peut eſtre qu’il en donne quelques fois à ceux qui n’en ont point : mais je croy auſſi par la meſme raiſon, qu’il le fait perdre à ceux qui en ont. C’eſt pourquoy je me confirme en l’opinion que j’ay, que Ligdamis s’eſt voulu divertir : n’eſtant pas croyable qu’il euſt pu conſerver tant de juge ment, en une occaſion ou tout le monde n’en a point. Apres tout, luy dis-je, il a trouvé l’invention de vous faire lire une declaration d’amour ſans colere : je l’advoüe, dit elle, mais c’eſt parce que je ne croy pas qu’il penſe ce qu’il me veut faire penſer. J’ay meſme tant de peur, adjouſta t’elle en riant, qu’il n’aille s’imaginer que je prenne cela ſerieuse ment, & que je ne luy donne lieu de me railler toute ſa vie ; que je m’en vay l’envoyer prier de venir icy toute à l’heure : afin que je luy faſſe voir d’a bord par le bon accueil que je luy feray, que je ne me ſuis pas laiſſée tromper. Mais, luy dis je, ſi vous vous trompiez en effet, qu’en diriez vous ? je dirois, repliqua