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Pere par des ſignes & par des larmes, qu’il ſe reſolut en effet d’avoir meſme ſoing de luy que de moy. Comme il s’imagina bien, que la Barque dans laquelle cét Enfant avoit eſté trouvé, veû comme elle eſtoit faite, ne pouvoit eſtre venuë que de quelqu’une des Iſles Cyclades, il euſt bien voulu les viſiter toutes, pour taſcher de deſcouvrir à qui il apartenoit : Mais comme il y en a tant, il n’euſt pas eſté aiſé d’en faire une recherche exacte. Il ne laiſſa pas touteſfois d’envoyer exprès à quelques unes : & de ſe faire informer à la plus grande partie des autres par des Marchands de Delos qui y avoient commerce, ſi l’on n’y sçavoit rien de cette avanture, mais ce fut inutilement. Cependant ne sçachant pas le veritable Nom de cét Enfant, il luy donna celuy de Cleandre qu’il aimoit, à cauſe d’un fils qu’il avoit eu qui l’avoit porté, & qui eſtoit mort depuis peu de temps. Je ne m’amuſeray point à vous dire les ſoings que mon Pere eut du jeune Cleandre : pour qui il conçeut une amitié qui n’eſtoit gueres differente de celle qu’il avoit pour moy. Mais je vous diray ſeulement, que comme cét Enfant inconnu eſtoit recommandé au Dieu que l’on adore à Delos, qui eſt celuy de toutes les Sciences : mon Pere luy fit en effet apprendre tous les choſes qu’Apollon luy-meſme euſt pû enſeigner. Ainſi on peut aſſurer ſans menſonge, que cét Enfant fut un prodige : & que dés ſa cinquieſme année il ne venoit point d’Eſtrangers à Delos, qui n’euſſent la curioſité de voir le jeune Cleandre. Car outre qu’il avoit une beauté admirable, il avoit deſja un eſprit ſi merveilleux, & une memoire ſi extraordinaire, que cela le faiſoit paſſer pour un miracle. Nous vivions enſemble durant ce temps là, comme ſi nous euſſions eſté freres : mon