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d’humeur à ne s’affliger pas longtemps, elle trouva ſa conſolation dans la multitude de ſes Amants. Phocylide ne sçachant auſſi par quelle voye troubler Ligdamis & Cleonice, ne s’y obſtina pas davantage, & continua de vivre ſelon ſa coûtume auſſi bien qu’Hermodore. A quelque temps de là, l’illuſtre Cleandre fit donner le Gouverne ment du Chaſteau d’Hermes au Pere de Ligdamis, de ſorte qu’il falut qu’il allaſt à la Cour le remercier. Il prit donc congé de Cleonice, qui avoit beaucoup de joye du bien qui arrivoit à ſa Mai ſon : mais en ſe ſeparant d’elle, quoy que ce fuſt pour peu de jours, il ſe ſentit plus triſte qu’il n’avoit accouſtumé d’eſtre quand il la quitoit, quoy qu’il s’en fuſt ſeparé en des occaſions moins agreables : car quand il alloit à la guerre, ſes voyages eſtoient plus longs, & la cauſe en eſtoit plus faſcheuse. Il ne fit pourtant pas une grande reflexion là deſſus à l’heure meſme : & il fut à Sardis croyant touſjours eſtre Amy de Cleonice, ne ſoupçonnant ſeulement pas qu’il deuſt jamais eſtre ſon Amant. Comme Cleandre l’aimoit, il le retint aupres de luy plus qu’il ne penſoit : mais quoy que la Cour fuſt alors la plus belle du monde, comme vous le sçavez mieux que moy, il s’y ennuya eſtrangement ; & il ſentit une ſi ſorte impatience de revenir a Epheſe, qu’en effet il y revint pluſtost que Cleandre ne le vouloit : mais il y revint avec tant de marques de joye ſur le viſage, que Cleonice, quand il la fut viſiter, creut qu’il luy eſtoit encore, arrivé quelque nouveau bonheur ; quoy qu’il n’en eût effectivement point d’autre, que celuy de la revoir. Cependant Ligdamis ſe trouva fort ſurpris, de ſentir que peu à peu ſa tranquilité eſtoit troublée ſans en voir de cauſe aparente : ſa fortune eſtoit