vous entretenir. Comme je n’ay que de l’admiration pour voſtre beauté, je ne puis pas vous aller dire ce que je ne ſens point : de vous conter des nouvelles de la guerre qui eſt preſques par toute l’Aſie, vous ne les aimez guere de cette eſpece : de parler contre la galanterie, ce ſeroit chercher à diſputer contre vous : de loüez la liberté, à une perſonne qui fait tous les jours cent Eſclaves, ce ſeroit eſtre peu judicieux : de dire touſjours que l’on n’aime rien, & que l’on ne vent rien aimer avecque paſſion, on paſſeroit pour ruſtique eu pour barbare aupres de vous ; de ſorte que ne sçachant que vous dire, je vous ſuis autant que la bien-ſeance me le permet. Du moins, me dit-elle, puis que vous eſtes d’humeur à me parler ſi franchement aujourd’huy, dites moy un peu preciſement quels ſont les ſentimens que vous avez pour moy : avez vous de l’indifference ; de l’averſion ; de la haine ; du meſpris ; de l’eſtime ; de l’amitié ; ou de l’amour ? je vous proteſte, luy dis-je en riant, qu’excepté ces deux derniers ſentimens, j’ay un peu de tous les autres : car j’ay beaucoup d’indifference, pour les conqueſtes que vous faites : j’ay de l’averſion pour la multitude de gens que vous favoriſez : j’ay de la haine & du meſpris pour quelques uns de vos galants : & je fais beaucoup d’eſtime de la grandeur & de la vivacite de voſtre eſprit. Mais encore, dit elle, que reſulte-t’il de tous ces divers ſentimens que vous avez ? & à parler, en general, comment me regardez vous ? je regarde, luy dis-je, comme une des plus belles Perſonnes du monde ; Mais la moins aimable, parce qu’elle eſt trop aimée. Encore, me dit-elle, n’eſt-ce pas avoir fait peu de choſe, de tirer une loüange de l’ennemy declaré
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