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eu plus d’un Amant en ſa vie, qui avoient agy comme j’agiſſois, lors qu’ils l’aimoient ſans oſer le luy dire. Je vous proteſte, luy dis je en riant auſſi, que ce n’eſt point : pour cette raiſon que je reſve : car enfin ſi j’avois le malheur d’eſtre amoureux de vous, je ne vous en ferois pas un ſecret. Vous voulez dire, me reſpondit elle, que je ne fais pas tant de difficulté d’entendre de pareilles choſes, que vous deuſſiez craindre de me deſcouvrir voſtre paſſion, sçachant bien ce que tout le monde me reproche ; mais apres tout, ſi vous m’aimez quelque jour, vous ne me le direz pas ſi aiſément que vous penſez : car vous vous eſtes ſi mal à propos engagé à vous declarer ennemy de cét te paſſion, que vous auriez honte de vous en deſdire. Cependant, adjouſta-t’elle en riant, peut eſtre m’aimez vous deſja un peu : & ce qui me le fait preſques croire, c’eſt que je remarque que vous me fuyez, & que je vous ſuis redoutable. Voila une marque d’amour bien extraordinaire, luy dis je ; toute extraordinaire qu’elle eſt, adjouſta t’elle en raillant touſjours, il faut bien que cela ſoit ainſi : car enfin mon miroir me die que mon viſage ne fait point de peur ; ma converſation n’eſt pas ſi chagrine, que l’on me doive fuïr ; & aſſez de gens la cherchent pour n’en douter pas. De ſorte qu’il faut conclurre, que vous me fuyez parce que vous craignez que je ne vous ſurmonte : & que vous ayant vaincu je ne vous enchaine. La captivité eſt en effet un ſi grand malheur, luy dis je ; que quand je vous ferois par cette raiſon, je ne ſerois pas coupable ; mais Madame, adjouſtay-je, comme je ſuis ſincere, il faut que je vous die que ce n’eſt point pour cela que j’eſvite voſtre converſation : & que c’eſt ſeulement parce qu’en effet je ne sçay de quoy