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mon eſprit. Vous y eſtes en termes que rien ne sçauroit y apporter de changement : plus vous conqueſterez de cœurs, plus vous me plairez, & plus vous aurez, de part à mon admiration. Je ne vous dis point celle que vous avez en mon ame : il ſuffit que vous vous ſouveniez de ce que je vous du le dernier jour que j’eus l’honneur de vous parler en particulier, car je n’oſerois vous l’eſcrire. C’eſt bien aſſez que j’aye eu la hardieſſe de vous le dire une fois : & que je vous proteſte ſeulement icy, que les ſentimens que je vous dis que j’avois pour vous ne changeront jamais : & qu’ainſi je ſeray juſques à la mort ce que j’eſtois il y a trois jours.

LIGDAMIS.


Apres avoir leu cette Lettre, Cleonice demeura ſi ſurprise, qu’elle ne sçavoit que penſer : car comme elle avoit deſja sçeu quelques autres petites choſes qui s’eſtoient paſſées entre Artelinde & Ligdamis, elle ne doutoit point qu’il n’y euſt quelque eſpece d’intrigue entre ces deux perſonnes : & elle eſtoit ſi irritée, de voir que Ligdamis fuſt capable de cette foibleſſe, qu’elle ne pouvoit s’imaginer qu’elle puſt le voir, ſans luy teſmoigner ſa colere. Car, diſoit-elle, s’il eſt amoureux d’Artelinde, je le meſpriseray eſtrangement ; & s’il ne l’eſt pas, je rompray du moins avecques luy : ne pouvant non plus ſouffrir qu’il ſoit fourbe, que je puis endurer qu’il ſoit Amant. Cependant, adjouſtoit-elle, il sçait tout le ſecret de mon cœur, j’ay raillé cent fois avecques luy d’Artelinde : je luy ay dit tout ce que je penſois : & ſelon les