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aimer, n’ont pas fait naiſtre l’amour dans mon cœur, vous eſtes en ſeureté, & vous ne devez pas refuſer mon amitié, ny me priver de la voſtre. Aimez moy donc Madame, luy dit-il, de la meſme ſorte que vous aimez Iſmenie pourveu que ce ſoit un peu plus : car il me ſemble que me reſolvant à n’aimer que vous ſeule en toute la Terre, vous ne me devez pas refuſer de m’aimer un peu plus qu’un autre. Vous m’exprimez voſtre amitié en des termes ſi forts, reprit Cleonice en rougiſſant, qu’elle doit, ce me ſemble, m’eſtre un peu ſuspecte : mais Ligdamis ne vous y abuſez point, je veux que l’on ſoit ſincere. Ce n’eſt pas, adjouſta-t’elle, que je ne sçache bien que vous n’eſtes point amoureux de moy : mais ce qui me fait vous parler ainſi, eſt que je crains que vous ne croyiez que je ſois peut-eſtre de celles qui ne font que changer le nom de la choſe, & qui ſouffrent effectivement un Amant, en l’appellant ſimplement un Amy. Prenez donc bien garde à ce que vous ſouhaitez de moy : & ſouvenez vous que l’amitié que je puis accepter, & celle que je puis donner, eſt une amitié effective, qui a de la tendreſſe & de la fermeté, mais qui n’a point de foibleſſe ny de follie. Je veux, dit-elle, que vous m’aimiez ſi vous avez à m’aimer comme un honneſte homme en peut aimer un autre : & je vous aimeray auſſi de la meſme façon que j’aimerois une honneſte Fille, ſi l’en connoiſſois une aſſez aimable, pour luy donner mon affection toute entiere. Je n’en demande pas davantage, reſpondit Ligdamis : je veux encore, adjouſta-t’elle, que vous me promettiez avec ferment, que ſi par malheur vous ſentez malgré vous que vous deveniez amoureux de quelque belle Perſonne, vous me le direz à l’heure meſme, afin que je vous aſſiste