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chercher à voir Cleonice, plus qu’il n’avoit accouſtumé : mais comme il y avoit touſjours trop de monde chez Stenobée, il l’alloit quelqueſfois trouver chez Anaxipe où elle alloit ſouvent ; principalement quand Artelinde n’y eſtoit pas : preferant ſans doute la converſation de ſa Mere à la ſienne, quoy que ſa vertu fût un peu ſevere. Mais en tous les lieux où il la rencontroit il aportoit touſjours grand ſoing à luy faire connoiſtre combien il eſtoit ennemy de l’amour : diſant ſur cela tout ce qu’un homme d’eſprit qui exprimoit ſes fentimens pouvoit dire ; de ſorte qu’il vint en effet à eſtre fort eſtimé de Cleonice.

Les choſes eſtoient donc en ces termes, lors que Ligdamis la trouvant un jour ſeule chez elle, parce qu’elle n’avoit pas voulu aller à une promenade où Stenobée eſtoit avec la moitié de la Ville, il ſe mit à la preſſer de nouveau de luy donner ſon amitié : & à luy proteſter, afin de l’obtenir pluſtost, qu’il n’eſtoit point amoureux. Je le croy, luy dit-elle, mais Ligdamis qui m’aſſurera que vous ne le deviendrez pas quelque jour ? Moy Madame, luy reſpondit-il, eſtant infaillible que puis que je ne le ſuis point de vous, je ne le ſeray jamais de perſonne. Car enfin. Madame, je vous trouve la plus belle choſe que l’aye jamais veuë : je vous trouve plus d’eſprit qu’à qui que ce ſoit que je connoiſſe ny parmy les Femmes ny parmy les hommes : voſtre vertu me ravit ; voſtre converſation me charme : & malgré tout cela, je ne trouve dans mon cœur que des ſentimens de reſpect & de veneration pour vous. J’y ſens encore une amitié fort tendre, je l’advouë ; mais elle eſt ſans deſirs & ſans inquietude. Ainſi, Madame, puis que tant de beauté ; tant d’eſprit ; tant de vertu ; tant d’eſtime ; & tant de diſposition à vous