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horreur : avec qui voulez-vous donc que je faſſe ſocieté ? Il eſt certain, repliquay-je, que les Femmes d’Epheſe preſentement, ſont preſques toutes comme vous venez de les deſpeindre : mais il y a des hommes fort bonneſtes gens, dont on pourroit faire ſes Amis. Ha Iſmenie, me dit-elle, il n’eſt gueres plus aiſé de trouver ce que je cherche parmy les hommes que parmy les Femmes : ce n’eſt pas que je ne ſois contrainte d’avouër, que s’il eſtoit poſſible de rencontrer un fort honneſte homme qui ne fuſt point, je ne dis pas ſeulement amoureux de cent perſonnes à la fois comme Phocylide, mais amoureux conſtant, & de ceux qu’on eſtime le plus, parmy les gens qui ne condamnent pas abſolument cette paſſion comme je fais, il n’y euſt beaucoup de douceur dans ſa converſation, & meſme dans ſon amitié. Car enfin un fort honneſte homme sçait pour l’ordinaire plus de choſes qu’une fort honneſte Femme : ſon eſprit eſt plus remply ; ſon entretien eu plus divertiſſant ; il a plus de complaiſance pour une Dame, que les Dames n’en ont les unes pour les autres : & pour tout dire en un mot, il y a je ne sçay quelle diſposition dont j’ignore la cauſe ; qui fait que cette eſpece d’amitié a quelque choſe de plus tendre, & de plus ſolide. Mais ma chere Iſmenie, pour eſtre comme je le dis, il faut que cét homme ne ſoit point amoureux : car je vous confeſſe que je ne me confierois jamais à un homme qui le ſeroit. Comme nous en eſtions là, Ligdamis entra dans la Chambre, qui sçachant que Stenobée n’y eſtoit pas, avoit demandé à voir Cleonice : je ne le vy pas pluſtost entrer, que prenant la parole, venez, luy dis-je, Ligdamis, venez : car ſi vous ne me faites trouver ce que Cleonice cherche, je ne le trouveray jamais.