Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, quatrième partie, 1654.djvu/411

Cette page n’a pas encore été corrigée

pareille choſe. Je vous la demande, luy reſpondit la Reine de la Suſiane, parce qu’il me ſemble que ſi Ligdamis a deû aimer, ce ne peut avoir eſté que vous. Vous avez mauvaiſe opinion de ſon jugement, repartit Cleonice ; au contraire je l’ay fort bonne, repliqua Panthée, & c’eſt pour cela que je parle comme je fais. Mais apres tout, Cleonice, je veux abſolument sçavoir voſtre vie, depuis que je ne vous ay veuë. Vous avez ſans doute, repliqua t’elle, toute ſorte de pouvoir ſur moy : mais Madame, j’auray pourtant bien de la peine à vous obeïr : eſtant certain que je ne penſe pas que je puiſſe me reſoudre à vous dire tout ce qui m’eſt arrivé. Si vous avez avecques vous, reprit Panthée, quelqu’une de vos Amies qui le sçache bien, je contents de vous eſpargner cette peine ; vous m’obligeriez beaucoup davantage, répondit-elle, ſi vous voulez m’en diſpenser abſolument. La Reine de la Suſiane voyant qu’elle luy reſistoit, la preſſa encore plus fort qu’auparavant : & Cleonice jugeant par le credit que cette ſage Reine avoit aupres de Cyrus, qu’il ſeroit advantageux à Ligdamis qu’elle sçeuſt l’intereſt qu’elle prenoit en ſa perſonne ; ſe reſolut enfin de luy obeïr. Mais comme elle ne pouvoit obtenir de ſa modeſtie aſſez de hardieſſe pour raconter elle meſme ſon hiſtoire : Madame, dit-elle à Panthée, je pourrois bien vous dire ce que j’ay penſé : mais je ne pourrois pas ſi bien vous aprendre tous les ſentimens de Ligdamis : c’eſt pourquoy, ſi vous avez la bonté de le ſouffrir, une de ſes Amies & des miennes vous dira tout ce que vous voulez sçavoir. Panthée connoiſſant en effet que la retenuë de Cleonice ſeroit cauſe qu’elle reciteroit fort mal ſes advantures, quoy qu’elle euſt pourtant beaucoup d’eſprit ; elle conſentit