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des Armes que ce Soldat avoit priſes, les voulurent partager avecques luy. Mais il s’y oppoſa autant qu’il pût ; diſant, à ce que l’on en peut conjecturer, qu’elles luy apartenoient, puis qu’il les avoit trouvées. Neantmoins comme ils n’entendoient pas ſon langage, & que luy auſſi n’entendoit pas le leur, ils ſe querellerent & ſe battirent. De ſorte que cette diſpute ſe faiſant aupres du Torrent, ce pauvre malheureux eſtant bleſſé, recula ſi mal à propos & pour luy & pour ſes ennemis, qui n’avoient envie de vaincre qu’afin d’avoir les belles Armes qu’il portoit ; qu’il tomba dans ce Torrent, qui acheva de luy faire perdre la vie, en le roulant parmy ces rochers ; juſques à l’endroit où Dinocrate & moy le viſmes le lendemain. Or Seigneur, comme la Fortune n’a jamais fait que des choſes fort bizarres, en toutes les avantures d’Aglatidas ; un de ces deux Soldats qui ſe battirent contre celuy qui avoit les Armes d’Otane, ſe trouvant le lendemain au bord de ce Torrent, comme Dinocrate diſoit que c’eſtoit le corps de ſon Maiſtre qu’il voyoit mort au milieu de cette eau tumultueuſe, il n’oſa dire ce qu’il en sçavoit : mais ce Soldat s’eſtant ennuyé de la guerre, & eſtant revenu à Ecbatane s’eſt mis à mon ſervice. De ſorte qu’apres que le retour d’Otane fut divulgué, m’entendant dire quelqueſfois (car il me ſert à la Chambre) que je ne comprenois point comment les Armes d’Otane avoient eſté à cét homme que nous avions veû mort : il me confeſſa la verité, telle que je viens de vous la dire. Mais Seigneur, pour retourner à Otane, que je vous ay dit qui demeura malade à une Ville où il fut à pied : vous sçaurez qu’il le fut avec tant de violence, & ſi long temps, qu’il penſa