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la retenant, quoy, Madame, luy dit-il, vous voulez meſme ne me dire pas preciſément, ce qu’il vous plaiſt que je faſſe ! Je veux que vous viviez, repliqua-t’elle, mais que vous viviez eſloigné de moy. Ha, Madame, interrompit-il, ne me commandez point des choſes impoſſibles : ou du moins ſi difficiles à faire, que la mort meſme eſt beaucoup plus douce que l’execution de ce rigoureux commandement. Je veux pourtant encore davantage, reprit-elle, car je veux que vous ne me donniez point de vos nouvelles, & que vous n’eſperiez jamais des miennes. C’eſt trop, Madame, c’eſt trop, interrompit Aglatidas, je ne sçaurois vous obeïr, ſi vous ne m’aprenez à vous oublier, & à ne vous aimer plus. Au contraire, dit-elle, je ſuis ſi fort perſuadée de l’innocence de vos ſentimens, que je ne fais pas de ſcrupule de deſirer que vous m’aimiez juſques à la mort. Cependant Aglatidas, ſouffrez que je m’en aille : car quand je ſonge que toute la Ville croit que vous avez tué Otane, & que je vous voy à mes pieds, j’en rougis de confuſion ; & j’apprehende ſi fort qu’on ne le sçache, que je n’ay jamais rien fait de ſi obligeant pour vous, que de vous y ſouffrir ſi long-temps. Mais, Madame, dit Aglatidas, ne ſongez vous point qu’en me banniſſant, je laiſſe Megabiſe, Artemon, & Tharpis aupres de vous ? Il eſt vray, reprit elle malgré qu’elle en euſt, mais puis que je ne vous puis chaſſer de mon cœur, vous ne leur devez pas porter envie. Quoy, Madame, dit Aglatidas, vous eſſayez donc de m’en bannir ? je le devrois du moins, dit-elle, & ſi je ne l’entreprens pas c’eſt ſans doute parce que je connois bien que je l’entreprendrois inutilement. Apres ces favorables paroles, Ameſtris ſe leva, comme eſtant preſques honteuſe de les avoir