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enfin, Madame, apres avoir ſurmonté tant d’obſtacles ; vaincu tant de malheurs ; & apres que vous m’avez promis de me rendre heureux pour touſjours : quelle juſtice y a t’il, que le raport d’un homme qui a dit autrefois cent menſonges contre vous ſoit creu, lors qu’il parle contre moy ? je sçay bien que ſon diſcours eſt appuyé de conjectures aſſez ſortes : Mais apres tout, Madame, je vous aſſeure avec toute la ſincerité poſſible ; & je vous jure par tous les Dieux que nous adorons, que je ne crois point avoir tué Otane : & que je ne j’ay ſeulement pas remarqué pendant te combat. Je vous jure meſme encore, que quelque haine que j’euſſe pû avoir pour luy, ſi je l’euſſe reconnu parmy les ennemis j’euſſe eſvité ſa rencontre pour l’amour de vous : sçachant aſſez juſques où va voſtre vertu. Ainſi, Madame, quand il ſeroit vray que j’aurois tué Otane, ce que je ne crois point du tout, je l’aurois tué ſans eſtre coupable ; puis que je ne l’aurois point connu. Cependant ſur la ſimple dépoſition d’un de vos perſecuteurs, qui m’accuſe d’avoir tué à la guerre un Tyran qui vous a fait ſouffrir cent ſuplices, vous voulez me rendre le plus malheureux homme du monde. Vous voulez meſme avoir cette rigueur pour moy, de n’entendre pas mes pleintes : au nom des Dieux, Madame, ne me condamnez pas ſi legerement : ou du moins ne me condamnez pas ſi toſt. Plûſt aux Dieux que vous invoquez, interrompit Ameſtris, que je ne vous condamnaſſe jamais, & que voſtre innocence ne fuſt pas douteuſe : mais, Aglatidas, la choſe n’eſt pas en ces termes là. Car enfin, à vous parler ſincerement, quand je ſerois aſſeurée d’une certitude infaillible, que ce que Dinocrate dit ſeroit faux : ne pouvant pas empeſcher le Monde de