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que cette rencontre eſt tout à faite eſtrange : mais, pourſuivit-elle, puis qu’Aglatidas aſſure qu’il ne croit point avoir tüé Otane, & qu’il n’y a que le ſeul raport de Dinocrate qui toit contre luy, pourquoy voudriez vous vous rendre malheureuſe toute voſtre vie ? Parce, repliqua-t’elle, que je ne pourrois pas eſtre contente ſans gloire : & que malheur pour malheur, il faut du moins choiſir celuy où on ne pourra pas m’accuſer d’avoir fait une choſe contre la bien ſeance & contre la vertu. Comme elle diſoit cela, Dinocrate rentra dans ſa Chambre, qui feignant de venir d’aprendre qu’Aglatidas eſtoit preſt à l’eſpouser, & croyant par là ſe mettre à couvert de la haine d’Ameſtris & de luy, ſans deſtruire le deſſein d’Anatiſe : Madame, luy dit il, je viens vous demander tres humblement pardon de la faute que j’ay faite ſans y penſer : car comme je ſuis venu droit icy ſans parler à perſonne dans la Ville, je ne sçavois pas les termes où vous en eſtiez avec Aglatidas : de ſorte que j’ay ſans doute dit une verité que je n’euſſe pas dite ſi je l’euſſe sçeü. Car enfin les choſes paſſées n’ayant point de retour, & croyant qu’en effet il peut eſtre qu’Aglatidas a tüé mon Maiſtre ſans l’avoir connu, je me ſerois bien gardé de dire ce que j’ay dit, non ſeulement devant tant de monde, mais meſme à vous en particulier Cependant voyez s’il vous plaiſt, Madame, pourſuivit il, ſi vous voulez que je me dédiſe : ou bien qu’Aglatidas aſſure qu’il s’eſt trompé, & que ce n’eſt point ſon Eſpée que je luy ay fait voir : car ſi vous le deſirez, je ne la monſtreray plus à perſonne, afin qu’elle ne ſoit pas connuë. Dinocrate dit cela avec une ingenuité ſi bien contrefaite, qu’encore qu’Ameſtris euſt cent marques de ſa malice,