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mieux connuë. Aglatidas ne pouvoit ſe reſoudre à luy obeïr : mais Menaſte luy dit tellement qu’il le faloit, qu’elle le força de le faire. Nous ſortismes donc luy & moy, apres avoir encore demandé cent choſes à Dinocrate, avec intention de le faire contre-dire en quelqu’une, mais il n’y eut pas moyen : & il redit touſjours ce qu’il avoit dit avec tant d’uniformité, juſques aux moindres circonſtances ; que les juges les plus exacts auroient eſté ſatisfaits de ſes réponſes, & auroient condamné Aglatidas.

Apres que nous fuſmes ſortis, ces Dames furent encore quelque temps avec Ameſtris : en fuite dequoy elles s’en allerent, à la reſerve de Menaſte, qui demeura ſeul avec elle, comme j’eſtois ſeul avec Aglatidas : Dinocrate eſtant deſcendu en bas, pour raconter toute cette hiſtoire aux Domeſtiques, afin que le bruit s’en eſpandist pluſtost. Mais il n’avoit que faire de s’en mettre en peine : car quatre heures apres qu’il eut parlé à Ameſtris, on ne parloit d’autre choſe dans Ecbatane, que de cette eſtrange advanture. Cependant j’ay sçeu par Menaſte, qu’elle ne fut pas pluſtost ſeule avec Ameſtris, que cette belle Perſonne la regardant avec des yeux où la melancolie faiſoit voir le trouble de ſon ame : En verité, luy dit-elle, il faut advoüer que mon malheur eſt bien opiniaſtre : & que j’ay eu grand tort d’eſperer de pouvoir joüir de quelque repos, apres de ſi cruelles & de ſi longues inquietudes. Du moins en ſuis-je arrivée aujourd’huy aux termes, que l’eſperance n’aura plus de Part en mon cœur, & qu’ainſi elle n’augmentera Plus mes tourments : puis que je ne ſouffriray Plus de maux que je n’aye preveus, & que je n’attendray plus aucun bien. J’advoüe, luy dit Menaſte,