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de part en part & tentant bien qu’il ne reſpiroit plus ; j’advoüe qu’au lieu de demeurer aupres de luy, je ſongeay à me deffendre. Car ce meſme Aglatidas revenant au meſme endroit avec une autre Eſpée, & le reconnoiſſant encor mieux ; je fis tout ce que je pus pour vanger la mort de mon Maiſtre : mais noſtre Party eſtant le plus foible, nous fuſmes vaincus & diſpersez, ſans que je puſſe retourner chercher le corps d’Otane, juſques à ce que l’on fit treſve : Et lors que j’en eus la liberté, je ne le trouvay plus au lieu ou je l’avois laiſſé : mais je le vy un moment apres au milieu du Torrent, comme Artabane l’a dit, ſans que je sçache qui l’y avoit jetté. Pendant le diſcours de Dinocrate, Ameſtris ſouffroit des maux incroyables, qu’elle n’oſoit faire voir : les Dames qui eſtoient là, & qui sçavoient en quel eſtat eſtoient les choſes, eſtoient bien fâchées d’entendre ce qu’elles entendoient : & pour moy j’en eſtois ſi en colere, que je ne pouvois preſques interrompre Dinocrate ; qui faiſant ſemblant de ne sçavoir point qu’Ameſtris alloit eſpouser Aglatidas, continua de dire que ce qui luy avoit fait le mieux reconnoiſtre que c’eſtoit effectivement luy qui avoit tüé Otane, eſtoit que l’Eſpée qu’il avoit retirée du corps de ſon Maiſtre, eſtoit aſſurément à Aglatidas ; ne pouvant pas s’y tromper, eſtant auſſi remarquable qu’elle eſtoit, & la luy ayant veuë ſi ſouvent. Ce n’eſt pas, dit-il, contrefaiſant l’ingenu, que je veüille dire qu’Aglatidas ſoit coupable : car enfin pourſuivit il, quand on eſt à la guerre, on ne doit eſpargner perſonne du Party ennemy. Mais ou eſt cette Eſpée ? repris-je : Seigneur (reſpondit il preſques les larmes aux yeux) comme elle a oſté la vie à mon Maiſtre, je n’oſerois pas