Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, quatrième partie, 1654.djvu/352

Cette page n’a pas encore été corrigée

ou il fut tüé ? luy dit Ameſtris : Ouy Madame, repliqua-t’il, & je le touchois lors qu’Aglatidas, que je reconnus d’abord à la voix, luy paſſa ſon Eſpée au travers du corps, qu’il ne put jamais retirer. voſtre Maiſtre (repris je fort eſtonné, & guere moins ſurpris qu’Ameſtris) a eſté tüé par Aglatidas ? ſongez-vous bien Dinocrate à ce que vous dites ? car comment voudriez-vous l’avoir pû connoiſtre dans le tumulte d’un combat de nuit, qui ſe faiſoit à la ſeule clarté des Eſtoiles ? je vous ay deſja dit, Seigneur, reſpondit Dinocrate ſans s’eſmouvoir, que je le reconnus d’abord à la voix : car lors qu’il attaqua mon Maiſtre, qui eſtoit à la teſte d’un gros qui faiſoit ferme, il dit quelque choſe à ceux qui le ſuivoient, pour les encourager à bien faire. De ſorte que mon Maiſtre, qui connoiſſoit encore mieux la voix d’Aglatidas que je ne la connoiſſois ; ne l’eut pas pluſtost oüy, que ſe tournant vers moy, Ha Dinocrate me dit-il, voicy cét Aglatidas que je cherche ; ne m’abandonne pas. Je ne puis pas bien dire, adjouſta-t’il, ſi Aglatidas connut mon Maiſtre à la voix, comme il en avoit eſté connu : mais je sçay bien qu’ils ſe chargerent rudement : & qu’Aglatidas plus heureux qu’Otane, luy enfonça ſon Eſpée juſques aux Gardes à travers le corps : qui tombant du coup qu’il avoit reçeu, fit ſans doute que l’Eſpée d’Aglatidas luy eſchapa des mains, & qu’il ne la put retirer. En cét eſtat voyant tomber mon Maiſtre, je ne sçeus lequel je devois le pluſtost faire, ou d’attaquer ſon meurtrier, ou de taſcher de le tirer de deſſous les pieds de ceux qui combatoient : mais le tumulte du combat les ayant fait eſloigner de quelques pas, je me jettay ſur le corps de mon Maiſtre, pour voir s’il n’auroit plus de vie, j’arrachay l’Eſpée qui le traverſoit