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qu’il parloit ainſi, & que Tharpis ſe meſloit auſſi à la converſation ; Anatiſe jettant fortuitement les yeux ſur la Garde de l’Eſpée de Dinocrate, qui eſtoit beaucoup plus belle & plus riche qu’un homme de cette condition ne la devoit avoir ; n’eut pas pluſtost fait quelque legere reflexion là deſſus, & attaché ſes regards à la conſiderer ; qu’elle la reconnut, pour avoir eſté à Aglatidas. Ceux qui n’ont pas bien sçeu la puiſſance de l’amour, ſe ſont eſtonnez qu’Anatiſe ait pû reconnoiſtre ſi preciſément cette Eſpée. mais pour moy, je ne l’ay pas trouvé ſi eſtrange ; car je ſuis perſuadé, que tout ce qui regarde la perſonne aimée, ne s’efface jamais de la memoire. Joint auſſi que cette Garde d’Eſpée eſtoit fort magnifique ; fort particuliere, & par conſequent fort remarquable : & de plus, elle l’avoit veuë deux cens fois. Anatiſe ne l’eut donc pas pluſtost reconnuë, qu’elle demanda à Dinocrate qui luy avoit donné cette Eſpée ? & il luy dit que quelques jours apres la mort de ſon Maiſtre, comme il eſtoit à Artaxate, il l’avoit achetée d’un Soldat perſan, qui n’en connoiſſoit pas la valeur, & qui diſoit l’avoir tirée du corps d’un Armenien mort, au pied des Montagnes où ils avoient combatu. Apres cela, Anatiſe connut aiſément qu’Aglatidas, comme il arrive quelqueſfois, n’avoit ſans doute pu retirer ſon Eſpée du corps de celuy qu’il avoit tué : & ſans rien dire davantage, elle laiſſa Dinocrate entretenir ſa Sœur, & continua de ſe promener avec Tharpis : mais ſi reſveuse & ſi attachée à ſes propres penſées, qu’il ne pût s’empeſcher de luy demander ce qui luy occupoit l’eſprit encore plus qu’à l’ordinaire. Je reſve, luy dit-elle, aux moyens de vous rendre heureux ſi je le puis : ou du moins à trouver les voyes