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pas ſoulager. Je pretextay pourtant mon conſeil par d’autres raiſons, je luy dis que Megabiſe & Aglatidas y ſongeant, il n’y devoit pas penſer : que ces deux hommes là eſtoient trop aimez de Ciaxare : qu’ils avoient tous deux eſté amoureux d’Ameſtris devant qu’elle euſt eſpousé Otane : qu’il y avoit aparence que ſi elle ſe remarioit, un de ces deux là ſeroit choiſi : qu’en tout cas, je luy conſeillois d’attendre encore quelque temps à ſe determiner ; parce que ſi Ameſtris ne ſe declaroit point pour un de ces deux, vray-ſemblablement elle ne ſe declareroit pour perſonne. Artemon me remercia du conſeil que je luy donnois, quoy qu’il s’en affligeaſt extrémement : Cependant Ameſtris qui avoit envoyé querir Menaſte, pour luy aprendre la fourbe que Megabiſe luy avoit faite, reſolut enfin avec elle, de ne differer pas davantage à ſe declarer ouvertement pour Aglatidas, à qui elle envoya dire ce qu’elle avoit deſcouvert. Ameſtris creut toutefois que comme Megabiſe avoit touſjours eu beaucoup de reſpect dans ſa paſſion, il ne ſeroit pas hors de propos que Menaſte cherchaſt quelque occaſion de luy parler, afin de taſcher d’eſviter un malheur. Mais il n’en fut pourtant pas beſoin : car dés qu’Aglatidas eut demandé à Ciaxare la permiſſion d’eſpouser Ameſtris, ce Prince qui sçavoit bien les pretentions de Megabiſe ; luy commanda ſi abſolument de ne s’oppoſer point au bonheur d’Aglatidas, qu’il n’oſa en effet troubler ſa ſatisfaction. De ſorte que comme la choſe fit aſſez de bruit, Artemon fut bien aiſe dans ſon malheur, d’avoir ſuivy mon conſeil : etTharpis sçachant que Megabiſe meſme n’oſoit ſe pleindre du bonheur de ſon Rival, à cauſe du reſpect qu’il devoit an Roy, fut contraint de ſuivre ſon