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aime le ſecret : & que les ſentimens qui paſſent d’un cœur à l’autre, ſans eſtre communiquez à perſonne ; ont je ne sçay quoy de plus pur, de plus paſſionné, & de plus doux que les autres. Mettez moy donc, Madame, en cét eſtat bien heureux, où ſans Menaſte meſme je pourray vous dire que je vous aime, avec une paſſion ſans égale : & que je vous adore avec un reſpect beaucoup plus grand, que vous ne pouvez vous l’imaginer. Vous m’avez permis, Madame, pourſuivit-il, de l’eſperer : & vous n’avez oppoſé à ma bonne fortune, qu’une bien-ſeance imaginaire. Il me ſemble pourtant, dit Ameſtris, que parce qu’Otane m’a mal-traitée, je dois faire plus que les autres ne font : & qu’encore que j’aye pane le terme où celles de ma condition qui veulent ſe remarier s’y reſolvent ſans choquer cette bien-ſeance : neantmoins je vous advouë que comme on m’obſerve plus qu’une autre, je trouve que je ne sçaurois agir avec trop de circonſpection. Joint Aglatidas, pourſuivit-elle, que s’agiſſant de voſtre bon-heur & du mien, il faut auparavant que de s’engager, eſtre bien aſſeurez que nous nous trouverons heureux enſemble. Ha, Madame, s’écria-t’il, ſi vous pouvez douter de mon bon-heur, je ne sçaurois faire le voſtre : quoy qu’il en ſoit, dit-elle ; je ne vous puis reſpondre preciſément aujourd’huy : Vous ne voulez donc pas vous juſtifier ? reſpondit-il : je veux, repliqua-t’elle, que vous vous fiyez à ma parole. Durant cela, je parlois bas à Menaſte, quoy que nous entendiſſions bien ce qu’ils diſoient ; pour luy dire que je craignois qu’Aglatidas & Megabiſe ne ſe querellaſſent. De ſorte qu’en cét endroit Menaſte ceſſant de me parler, & ſe meſlant dans leur converſation ; en verité,