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Madame, luy dit-il, ce que vous me dires eſt bien obligeant : Mais quand je ſonge que Megabiſe a eſté tout le jour aupres de vous ; que je l’ay veu ſortir ſeul, un moment apres que vous avez eſté ſortie ; je conclus. Madame, malgré moy. (ſi je le puis dire ſans vous offencer) ou que vous n’eſtes pas ſincere, on que voſtre Portier vous trompe & vous trahit. Les gens de cette condition ſont ſi groſſiers, interrompit Menaſte, qu’il n’y a nul fondement à faire ſur les impertinences qu’ils font ou qu’ils diſent. Celuy-là, repris-je ; ne me l’a pas aſſez paru, pour avoir fait une ſemblable faute ſans deſſein : quoy, Artabane, me dit Ameſtris, vous eſtes auſſi contre moy ? Pardonnez-moy, luy dis-je, Madame, car il me ſemble que plus je ſoupçonne voſtre Portier, plus je vous juſtifie. Mais encore, dit-elle, Aglatidas, dites un peu de grace ce que je dois faire, non ſeulement pour vous bien perſuader que je n’ay pas donné volontairement cette audience particuliere à Megabiſe : mais encore pour le faire croire à toute la Ville. J’en sçay une voye infaillible, reprit Aglatidas en ſouspirant, mais, Madame, vous ne la. voudriez pas ſuivre. Elle eſt donc bien difficile, repliqua-t’elle, car je vous aſſure que j’ay un ſi grand chagrin de l’avanture qui m’eſt arrivée aujourd’huy : qu’il eſt peu de choſes que je ne fiſſe pour deſabuser pleinement tous ceux qui pourroient croire que j’ay veu de mon conſentement Megabiſe trois ou quatre heures en particulier. Parlez donc, Aglatidas, que faut-il faire pour me juſtifier dans voſtre eſprit, & dans celuy de tous ceux qui me pourront accuſer comme vous ? Il faut achever de me rendre heureux, Madame, luy dit-il, puis qu’auſſi bien les peines que je ſouffre deviennent ſi inſupportables,