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des aparences. Quoy, me dit-il, vous voulez que le puiſſe douter de mon malheur, lors que je voy que l’on me refuſe la porte chez Ameſtris, que l’on dit à tout le monde qu’elle n’y eſt pas ; & que pendant cela Megabiſe eſt ſeul avec elle ! Et comment, Artabane, voudriez-vous que je puſſe expliquer la choſe à mon avantage ? Mais quand vous viſtes Megabiſe, luy repliquay je, ſur le bord de la Fontaine de gazon avec Ameſtris ; que de vos propres yeux vous luy viſtes baiſer deux fois la main de cette belle Perſonne ; ne penſiez-vous pas avoir raiſon ? & cependant l’evenement vous a fait connoiſtre que vous aviez tort, & qu’Ameſtis eſtoit tres innocente & tres fidelle. Je l’advoüe, dit-il, mais ce que je viens de voir, eſt bien encore plus conſiderable, & plus incomprehenſible. Car enfin, Artabane, qu’imaginez-vous ? je ne sçay pas trop bien qu’imaginer, luy reſpondis-je ; toutefois je vous conſeille de voir Ameſtris, & de vous en éclaircir avec elle. D’abord Aglatidas ne s’y pouvoit reſoudre, & tous ſes ſentimens alloient à ſe vanger de Megabiſe : mais je le preſſay ſi fort, que jugeant qu’Ameſtris eſtoit allée chez Menaſte, veu le chemin que ſon Chariot avoit pris, je le forçay d’y aller auſſi, & nous y fuſmes en effet : mais de mi vie je n’a y veu un ſi grand changement que celuy qui eſtoit alors ſur le viſage d’Aglatidas. En entrant dans la Chambre de Menaſte, où il y avoit beaucoup de monde, il ne regarda preſques point celle à qui il devoit le premier falut : & cherchant des yeux Ameſtris, il la vit ſi reſveuse & ſi interdite, qu’il prit encore cela pour une marque de ſon crime. Madame, luy dit-il tout haut en s’approchant d’elle, il n’a pas tenu à moy, que le n’aye eu l’honneur de vous voir chez vous aujourd’