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doute, comme je vous obeïs autrefois : Mais apres avoir veu qu’Otane a eſté choiſi par vous, au prejudice de tout ce qu’il y avoit d’honneſtes gens en Medie ; il n’eſt pas poſſible, Madame, que je perde tout à fait l’eſperance, quelque rigoureuſe que vous me ſoyez, comme je la perdis, quand je vous obeïs ſi ponctuellement : Car enfin je puis dire ſans vanité, qu’il n’y a pas ſi loing de moy à Aglatidas, que d’Aglatidas à Otane. Ameſtris entendant parler Megabiſe de cette ſorte, & ſon diſcours luy remettant dans l’eſprit le ſouvenir de tous tes malheurs, dont il avois eſté cauſe ; elle ſouffroit une peine effrange : & ne pouvant aſſez s’eſtonner de ce qu’il ne venoit perſonne ; elle ne pouvoit toujours s’empeſcher de tourner la teſte du coſté de la Porte de ſa Chambre, an moindre bruit que tes Femmes faiſoient : mais elle eut beau regarder, elle regarda inutilement : de ſorte que Megabiſe, quoy qu’elle pull : luy dire. Se quoy meſme qu’elle peuſt faire, paſſa la plus grande partie de l’apres-diſnée auprès d’elle. Cependant pour reſpondre à la dernière choſe qu’il luy avoit dite, elle luy dit en général, que ton Mariage avec Otane droit un ſecret que perſonne n’avoit jamais pu pénétrer, & qu’elle ne diroit jamais : ne pouvant luy en deſcouvrir autre choſe, ſinon qu’il y avoit beaucoup contribué. Moy Madame ! s’eſcria t’il fort eſtonné, oüy vous, luy repliqua-t’elle, c’eſt pourquoy vous regardant aujourd’huy comme la cauſe de tous les malheurs de ma vie, jugez ſi je puis eſcouter ce que vous me voulez dire. Je comprens ſi peu le crime dont vous m’accuſez, luy dit-il, que je ne m’en sçaurois juſtifier : quoy qu’il en toit, reſpondit Ameſtris, vous ne changerez jamais mon cœur : c’eſt pourquoy s’il eſt poſſible