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de cette ſorte : mais c’eſt pour vous faire voir ma ſincerité que je le fais : & pour vous mieux faire connoiſtre mon malheur. Vous ſeriez mieux, adjouſta-t’elle, de me faire paroiſtre voſtre ſagesse, en redevenant de mes Amis, comme vous en avez eſté : car par cette voye, vous conſerveriez mon eſtime & mon amitié : & par l’autre, vous me forcerez à vous haïr, & à fuir voſtre rencontre. Voila donc, Seigneur, comment le panure Artemon, qui eſtoit allé voir Ameſtris, croyant l’obliger finement à bannir Aglatidas, penſa eſtre banny luy meſme : il luy dit pourtant apres tant de choſes obligeantes ; & luy proteſta ſi ſolemnellement, qu’il ne luy diroit plus rien qui la peuſt faſcher, qu’il ne le fut point : & qu’il eut permiſſion de la voir encore chez elle, mais non pas jamais en particulier.

Cependant Anatiſe qui vouloit ſe vanger d’Aglatidas, lia une amitié fort eſtroite avec Tharpis : & entra en une confidence ſi grande avecques luy, que je crois qu’ils ſe diſoient leurs plus ſecretes penſées. Ils tinrent donc pluſieurs conſeils, pour adviſer à ce qu’ils avoient à faite : & cette malicieuſe Fille le força de ne parler point encore ouvertement de ſa paſſion à Ameſtris : de peur qu’elle ne le mal-traitaſt & ne le banniſt. Car comme il couroit bruit que Ciaxare devoit bien-toſt arriver à Ecbatane, & que l’on diſoit que Megabiſe y pourroit auſſi revenir, elle croyoit que quand cela ſeroit, trois Rivaux embarraſſeroient fort Aglatidas : & que pourveu qu’ils euſſent tous la liberté de ſe trouver chez Ameſtris en ce temps là, il ſeroit difficile qu’il n’arrivaſt quelque broüillerie entr’eux, qui pourroit peut-eſtre encore l’exiler. Elle conſeilla donc ſeulement à Tharpis, afin d’avoir va eſpion fidelle, d’eſtre eternellement