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fait quelques faveurs conſiderables, je penſe que vous auriez raiſon de dire ce que vous dites : Mais, Madame, je n’ay ſimplement fait que vous voir & vous entretenir plus qu’une autre : & je ne doute pas meſme que ſi j’euſſe euſſe eu la hardieſſe de vous parler d’amour, vous ne m’euſſiez mal traité. Ainſi n’eſtant point honteux à toutes les Belles d’eſtre aimées ; je ne voy pas que je vous aye fait un ſi grand outrage, d’avoir donné lieu de croire par quelques ſouspirs que j’ay pouſſez, que je vous aimois. Du moins m’en avez vous fait un bien ſensible, repartit-elle, en donnant lieu de penſer que vous ne m’avez jamais aimée. Quoy qu’il en ſoit, Aglatidas, je m’en vangeray : & je m’en vangeray ſur Ameſtris, afin de m’en vanger mieux ſur vous meſme. Et comme vous avez, à ce que vous dites, eſſayé de m aimer, je veux eſſayer de vous haïr : & ſi je ne me trompe, je reuſſiray mieux dans mon deſſein, que vous n’avez fait dans le voſtre : car j’y voy deſja une grande diſposition. Preparez-vous donc à eſtre puny de voſtre crime, & meſme par Ameſtris ; qui ne vous donnera peut eſtre guere moins de jalouſie qu’à Otane : car enfin Aglatidas, vous n’eſtes pas ſeul qui avez des yeux ; d’autres la trouvent belle auſſi bien que vous : & apres le choix qu’elle avoit fait d’Otrane, je tiens peu d’Amans en ſeureté dans ſon cœur, quelques honneſtes gens qu’ils puiſſent eſtre. Cependant puis que vous me parlez ſincerement, je veux vous dire auſſi avec la meſme ſincerité, que ſans attendre davantage, je vous haïs deſja plus, que vous n’aimiez Ameſtris : & que je ne ſeray jamais ſatisfaite, que je ne vous voye tous deux malheureux. Je n’eſclateray pourtant pas devant le monde, adjouſta-t’elle, & je me vangeray d’une maniere