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plus. Mais comme il fut un peu long à ſe determiner, Anatiſe enfin rompit le ſilence la premiere. Advoüez la verité, Aglatidas, luy dit-elle, vous ne sçaviez pas que je fuſſe icy, quand vous y eſtes entré. Il eut certain, luy reſpondit-il, que ſi je l’euſſe sçeu, j’aurois eu ce reſpect pour vous de ne vous forcer pas à voir un homme que raiſonnablement vous devez haïr : quoy qu’à parler avecques verité, il n’ait jamais eu deſſein de vous outrager. Pour pouvoir bien juger de voſtre crime, luy repartit-elle, il faudroit que vous euſſiez la ſincerité de me l’advoüer tel qu’il eſt, ſans déguiſement aucun : car il eſt certain que je n’ay pas encore bien pu déterminer dans mon eſprit, quels doivent eſtre les ſentimens que je dois avoir pour vous. Parlez donc, je vous en conjure, luy dit-elle, mais parlez ſincerement : quand vous vous attachaſtes à me voir plus qu’aucune autre, & que par vos ſoins & par voſtre aſſiduité vous me perſuadastes que vous m’aimiez : m’aimiez-vous effectivement, ou n’eſtoit-ce qu’une feinte pour cacher l’amour que vous aviez touſjours pour Ameſtris ? car il pourroit eſtre que vous l’auriez quittée en ce temps là pour moy, & qu’en celuy-cy vous me quitteriez pour elle. Mais il pourroit eſtre auſſi que vous auriez touſjours eſté à Ameſtris ; bien que je ne comprenne pas, par quelle raiſon vous luy auriez laiſſé eſpouser Otane. Quoy qu’il en ſoit, aprenez-moy la verité toute pure : parce que ſelon cela, je regleray mes ſentimens pour vous. Aglatidas ſe trouvant fort embarraſſé à reſpondre, craignant qu’Anatiſe ne cachaſt quelque malice ſous cette curioſité, fut un inſtant ſans parler : mais cette artificieuſe Fille le preſſant touſjours davantage ; Non non, luy dit— elle, n’eſſayez point de déguiſer la verité ; il